De la capacité à Croi(t)re
Sur la "Voix" de l'Hypnose - Art 1 - par Florent ROPION
Publiée le vendredi 08 novembre 2024 à 11h52
Pour ce premier article, s’est posée la question pour moi du rapport à la vérité. Un bon article doit-il citer ses sources, être appuyé sur du savoir partagé et reconnu par ses pairs, ou par des experts en sciences, ou validé par des démarches d’esprit critique ? C’est pour cela que je souhaitais dans ce premier article poser le cadre de mes interventions, sur l’articulation de la croyance avec la vérité, et son utilité pour l’hypnotiseur ou l’humain en Quête d’expansion.
Choisir l’Histoire que l’on veut croire permet de donner sens, et croire dans le bon sens permet la crois-sens. Dans un monde occidental où la science et l’approche critique détiennent une certaine hégémonie, la quête de la vérité semble plus de mise sociétale que la notion de croyance. Nombreux sont les avertissements sur ce qui constitue construction de fausse croyance et d’opinion appuyée sur des faits piochés à droite à gauche. Si l’approche critique aura pour but de mettre en lumière les biais de construction de savoir ou d’opinion afin de s’approcher au mieux de la vérité, l’hypnotiseur aura à cœur d’en connaitre les mécanismes, non pour ne pas croire, mais afin d’être à même de choisir en pleine connaissance de cause de croire. Quand le scientifique se demande «qu’y a-t-il de plus susceptible, probable d’être vrai ? », l’hypnotiseur lui se demandera « qu’est-il utile de croire ? » Tel le choix d’une théorie pour agencer, expliquer et prédire des résultats expérimentaux, le choix d’une croyance permet de potentialiser notre rapport au monde sur certains aspects et de le limiter sur d’autres : toute croyance a alors un territoire de permissivité, le tout étant de le choisir. « Je suis timide » tend à permettre et limiter des choses tout comme « je suis doué(e) en tout ».
Comme exprimé dans l’excellent « Les Annales du Disque-Monde » de Terry Pratchett, « Ce n’est pas parce que l’homme est humain qu’il croit, mais parce qu’il croit qu’il est humain. Justice, Vérité, Nature, Amour Universel, Paix, si l’homme ne pouvait croire aux choses qui n’existent pas encore, comment pourraient-elles un jour Advenir ? ». Dans cet esprit, choisir de croire en du non vrai reviendrait à autoriser ce qui est beau dans ce que l’Homme Aime En Songe (M-en-Songe) ?
Ce n’est pas parce que l’homme est humain qu’il croit, mais parce qu’il croit qu’il est humain. Justice, Vérité, Nature, Amour Universel, Paix, si l’homme ne pouvait croire aux choses qui n’existent pas encore, comment pourraient-elles un jour Advenir ?
« Les Annales du Disque-Monde » de Terry Pratchett
Qu’est-il utile de croire. Qu’est ce que cela permet. De l’hypnotiseur à jouer avec ses croyances et celles des autres, pour s’appuyer dessus ou les moduler, parfois même les inscrire dans un système, à l’instar du système Newtonien, où les limites de certaines Croyances se trouvent à être potentialisées par une ou plusieurs autres se développant ensemble : « Je suis timide », «quand il le faut je me surpasse ». Le système en lui-même entier peut se révéler puissant, et tâche alors à l’Hypnotiseur d’avoir conscience du glissement de son utilisation du système vers «une vérité », car tout système efficace et se développant tend à intégrer avec résilience les nouvelles croyances utiles à son fonctionnement. C’est à ce moment là que l’hypnotiseur devra se poser une question, est-ce qu’il est capable d’accepter que cela reste un paradigme, certes puissant, mais qui pourrait voir surgir un de ces jour quelque donnée, à l’instar de l’univers quantique actuel, qui lui demandera d’admettre que sur ce sujet son système puisse être laissé de côté.
La puissance de la Croyance. Choisir quoi croire. Après cette première étape, le Deuil de la Vérité, puis la seconde, la connaissance du processus de création de croyance et de ses biais afin de savoir choisir en conscience les croyances pour lesquelles il opte et identifier pour évaluer celles qu’il avait admises implicitement ; vient naturellement ensuite le niveau suivant, où la fluidité de croyance permet l’apparition de systèmes efficaces, puissants dans leur adaptabilité, et où l’hypnotiseur chevronné devra alors garder en lui l’étincelle de savoir que ceci reste un système, même si préférentiel, pouvant laisser place à d’autres au besoin. Alors, enfin, au niveau meta apparaît la croyance sur le système de croyances, qui tend à devenir réalité et ici se cogne à une limitation, la vraie question : « Est-il possible de tout Croire ».
La réalité, les souvenirs, sont au final des constructions sensorielles et représentatives pour interagir avec la réalité. Elles sont en quelque sorte les hallucinations les plus efficaces pour répondre au sens « interaction avec l’environnement et partage d’une réalité commune avec ses pairs ». Si est choisie la croyance « j’ai une bonne étoile », risque-t-elle de se cogner à la réalité d’une prise en otage lors d’un voyage dans un pays en conflit politique ? A quel moment la croyance peut-elle se heurter à la réalité ?
«Je sais voler ».
Dans cette zone où la croyance en vient à prendre le risque de se heurter, certains redoubleront de scepticisme pour éviter les chocs. D’autres invoqueront la nécessité de croire plus. Tout se passe alors comme si ce territoire où Choisir De Croire rencontre le Risque de Choc avec la Réalité, devenait le lieu d’une épreuve, d’un « Saut ». Le Saut dans la Foi.
Conclusion
L’Hypnotiseur est un jongleur de croyances, il danse joue et tourne avec elles et celles des autres pour en agencer l’histoire qui permettra la fonction, le sens, la résolution qu’il désire au final.
Aux limites de ce jonglage pour lui, se situent certaines interactions au Réel. Lorsque ce celui-ci ne se forge plus par la croyance optée pour le modifier. Si choisir de croire permet de libérer l’homme de sa condition et d’inscrire dans le Vrai, parfois c’est ce dernier qui vient à poser ses limites aux croyances comme un point dur auquel elles doivent s’agencer. Où Rêve et Réel se rencontrent, quelque-chose est Révélé.
Entre les choix de croyances sécurisés et la prise de risque de leurs implications, se trouve la zone de Foi dont il relève de chacun en son âme et conscience de choisir ou non d’en être l’explorateur. Le Saut dans la Foi constitue alors la limite du système de choix d’adaptabilité à tout type de croyances, et un pas pour l’Hypnotiseur dans un domaine au-delà de celui prétexte dans lequel il exerçait.
Florent Ropion